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CONSTRUCTION : Quel est le délai de prescription de l'action en paiement du maître d'oeuvre contre le maître de l'ouvrage particulier ?

Le 10 décembre 2013

Dans un arrêt en date du 4 décembre 2013 (RG : 13 :00923), la Cour d’appel de VERSAILLES a fait application du délai de prescription biennale édicté par l’article L.137-2 du Code de la consommation et rejeté l’action en paiement initiée par un maître d’œuvre professionnel contre un maître de l’ouvrage particulier, défendu par nos soins.


Le maître d’œuvre avait attrait le maître de l’ouvrage particulier devant le Juge des Référés du TGI de VERSAILLES en vue de la voir condamner à lui payer une facture datant de plus de quatre ans.


Le Juge des référés avait fait droit à cette demande et rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de deux ans édicté par le Code de la consommation, soulevée par le maître de l’ouvrage.


Le Juge des référés avait estimé que le maître de l’ouvrage devait être analysé comme un professionnel de la construction, puisqu’il s’était fait assister par un maître de l’ouvrage délégué dans le cadre de son projet.

Le maître de l’ouvrage a interjeté appel de cette décision, et maintenu que, puisqu’il avait agi dans un intérêt personnel, il ne pouvait être assimilé à un professionnel de l’immobilier, et devait au contraire se voir appliquer les dispositions du Code de la consommation, et, notamment, l’article L.137-2 dudit Code qui édicte une prescription biennale pour les actions initiées par les professionnels contre les consommateurs :

« L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

Le maître d’œuvre affirmait quant à lui que le fait que le maître de l’ouvrage soit associé de plusieurs SCPI lui conférait la qualité de professionnel de l’immobilier, quand bien même il n’aurait pas contracté le contrat de maîtrise d’œuvre litigieux en qualité d’administrateur d’une de ces SCPI.

La Cour a infirmé cette ordonnance, et, statuant à nouveau, a jugé que la qualité de professionnel du maître de l’ouvrage faisait : « l’objet d’une contestation sérieuse qui ne permet pas d’exclure sa qualité de consommateur et par suite l’application de l’article L.137-2 du Code de la consommation. »

La Cour en a déduit que l’action du maître d’œuvre était prescrite, et, par conséquent, irrecevable.

Cet arrêt se situe dans la droite ligne de de la jurisprudence actuelle, qui tend à faire une application extensive des dispositions protectrices du Code de la consommation.

Le contrat de consommation se définit en effet comme un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur afin que ce dernier puisse se procurer un bien de consommation ou un service de même nature dans le but de satisfaire un intérêt personnel ou familial étranger à la satisfaction des intérêts d’une entreprise

 

Cette définition correspond à celle qui a été fixée dès 1993 par la Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, qui indique en son article 2 :

 

« Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) « clauses abusives »: les clauses d'un contrat telles qu'elles sont définies à l'article 3;

b) « consommateur »: toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle;

c) « professionnel »: toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu'elle soit publique ou privée. »

 

La Cour de cassation a pour sa part accepté une définition plus large de la notion de consommateur, puisqu’elle affirme qu’un professionnel peut être un consommateur s’il contracte pour des besoins non professionnels

(Civ.1, 15.03.2005, n°02-13285 : « Attendu que si, par arrêt du 22 novembre 2001, la cour de Justice des communautés européennes a dit pour droit : "la notion de consommateur, telle que définie à l'article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu'elle vise exclusivement des personnes physiques", la notion distincte de non professionnel, utilisée par le législateur français, n'exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives ; »)

 

La Cour de cassation fait désormais application du Code de la consommation, et de la prescription biennale offerte au consommateur par l’article L.137-2, à des contrats tels que les contrats de crédit immobilier, pour lesquels elle appliquait jusqu’alors les dispositions du droit commun

(Civ.1, 28.11.2012, n°11-26508 : « Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande tendant à voir constater la prescription de la créance et juger nul le commandement, l'arrêt retient que le texte précité ne concerne pas les crédits immobiliers et que les créances en cause seront prescrites en cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, soit en juin 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, quand les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE… »)

 

L'article L. 137-2 du code de la consommation, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 est en effet inséré sous un titre III relatif aux « Conditions générales des contrats »

 

Cet article pose une règle générale, sans l'assortir d'exceptions ou de restrictions, s'agissant des services fournis par un professionnel à un consommateur.

 

Il a donc vocation à s’appliquer à tous les contrats d’entreprise conclus entre un professionnel et un consommateur, à l’instar du contrat de maîtrise d’œuvre.

 

Un arrêt de la Cour d'appel de LIMOGES en date du 18 novembre 2010 confirme cette analyse, et fait application de l’article L.137-2 du Code de la consommation au contrat de maîtrise d’œuvre liant un maître d’ouvrage particulier à un Architecte.

(RG : 09/01582 : « Attendu que M. X réclame le paiement d’une somme de 98.051,20 € au titre de ses honoraires ; qu’il s’agissait d’une rémunération déterminée par le contrat de maîtrise d’œuvre signé le 16 décembre 2001 (…) Attendu que l’article 4 de ladite loi a créé l’article L.137-2 du Code de la consommation selon lequel l’action des professionnels pour les biens et les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, ce qui correspond au cas d’espèce. »)

 

Un arrêt de la Cour d'appel de PARIS en date du 4 avril 2012 fait également application des dispositions du Code de la consommation au contrat de maîtrise d’œuvre conclu par un maître de l’ouvrage particulier.

(RG : 11/13815 : « Considérant que l’article L.114-1 du Code de la consommation, d’ordre public, dispose que dans les contrats ayant pour objet la prestation de services à un consommateur, et sauf stipulation contraire de ce contrat, les sommes versées d’avance sont des arrhes ce qui a pour effet que chacun peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double ; considérant que le contrat de louage d’ouvrage est un contrat de prestation de services soumis à ces dispositions. »)

 

Dès lors, le professionnel qui détient une créance sur un maître de l’ouvrage particulier devra avoir grand soin de recouvrer celle-ci dans les meilleurs délais, afin de ne pas laisser prescrire son action en paiement.

 

Le consommateur devra quant à lui veiller à ne pas régler des factures que son co-contractant aurait laissé prescrire.