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BAIL COMMERCIAL : Les « ordonnances Covid », les délais et les droits du bailleur

Le 21 septembre 2020
Les « ordonnances Covid » ont permis de paralyser les effets de certains dispositifs contractuels (clauses résolutoires, clauses pénales, astreintes), de suspendre des délais pendant la période d’état d’urgence sanitaire

Les « ordonnances Covid » ont permis de paralyser les effets de certains dispositifs contractuels (clauses résolutoires, clauses pénales, astreintes), de suspendre des délais pendant la période d’état d’urgence sanitaire en aménageant notamment une période juridiquement protégée. L’enjeu est important pour les bailleurs désirant recouvrer leur créance de loyer ou faire jouer la clause résolutoire insérée au bail.

 

Cet article revient sur les différentes dates et périodes présentes dans les ordonnances.

 

Qu’est-ce que la période juridiquement protégée ?

 Instaurée par l’ordonnance n°2020-306 en date du 25 mars 2020 en application de la loi du 23 mars 2020 n°2020-290, cette période permet d’éviter que les acteurs économiques soient sanctionnés du fait du non-respect des délais qui leurs sont imposés, par exemple les délais relatifs à des mesures administratives ou judiciaires.

 

À quelle date a pris fin cette période ?

 La période juridiquement protégée a pris fin le 23 juin 2020 à minuit (circulaire de présentation des dispositions du titre I de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19).

 

À quelle date a pris fin l’état d’urgence sanitaire ?

L’état d’urgence sanitaire a pris fin le 11 juillet 2020 en vertu de la loi du 9 juillet 2020 n° 2020-856.

On constate que les ordonnances dissocient la date de fin d’état d’urgence sanitaire de la période juridiquement protégée.

 

Quelle date retenir pour quelle situation ?

 

            Il faut distinguer entre deux situations, c'est-à-dire entre :

 

1.      Les aménagements apportées par les « ordonnances covid » de portées générales relatifs à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période et issu de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 ;

 

Ce texte vise désormais les délais qui expirent durant la période juridiquement protégée. Ainsi, la date de fin de l’état d’urgence sanitaire ne rentre plus dans la définition de la période juridiquement protégée et ne doit pas être pris en compte, en principe.
 

En effet, au titre de la nouvelle version de l’article 1 de l’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-306 : « Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ».

 

2.      Les aménagements spécifiques issu de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 dite ordonnance 2, relatifs au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la crise sanitaire.

 

Il est important de noter que ces derniers concernent les entreprises en difficultés ou les très petites entreprises (TPE) dont l’activité est affectée.

 

1.      Au sein des aménagements de portée générale, il est nécessaire de distinguer les obligations financières des autres obligations.

 

a.       Ainsi, dans le cas où le débiteur n’a pas exécuté une obligation d’ordre financière, la date à laquelle les astreintes et clauses produiront effets est reportée d’une durée calculée à compter du 23 juin 2020 (date de fin de la période juridiquement protégée), égale à celle écoulée entre le 12 mars 2020, ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née, d’une part, et la date à laquelle elle aurait dû être exécutée, d’autre part.

 

Exemple 1 portant sur les clauses résolutoires – le délai d’un mois (permettant l’acquisition de la clause résolutoire) expire pendant la période de protection soit entre le 12 mars et le 23 juin 2020 : si le délai expire le 15 mars 2020, le preneur du bail commercial devra s’exécuter le 26 juin 2020. Ainsi, on a : 23 juin 2020 + 3 jours.

 

Rappel concernant l’acquisition de la clause résolutoire par le bailleur : L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux ».

 

b.      Dans le cas où les astreintes ou clauses sanctionnent l’inexécution d’une obligation autre que le paiement d’une somme d’argent dans un délai qui expire postérieurement au 23 juin 2020, la date à laquelle elles produiront effet est reportée d’une durée égale à celle écoulée entre le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née, d’une part, et le 24 juin 2020, d’autre part.

 

Exemple 2 : si le délai expire après le 23 juin 2020, la clause résolutoire prendra effet 104 jours après le 23 juin 2020, c’est-à-dire le 4 octobre 2020, puisque 104 jours se sont écoulés entre le 12 mars et le 24 juin 2020.

 

Exemple 3 : si l’obligation est née postérieurement au 12 mars 2020, par exemple le 29 mars 2020, la durée à calculer est celle écoulée entre le 29 mars et le 23 juin 2020.

 

c.       Enfin, sont suspendues pendant la période de protection (soit jusqu’au 23 juin 2020 inclus) les astreintes et l’application des clauses pénales ayant commencé à courir avant le 12 mars 202. Ainsi, le compte reprend à compter du 23 juin 2020.

 

Clauses pénales : il s’agit de stipulations contractuelles fixant à l’avance dans le contrat le montant des dommages et intérêts dus en cas d’inexécution.

 

Exemple 4 : une astreinte ayant commencé à courir avant le 12 mars 2020 est suspendue à cette date. Le compte doit être repris à compter du 23 juin 2020. En effet, il s’agit ici d’une suspension.

 

2.      Au titre d’un aménagement spécifique, les très petites entreprises qui voient leur activité affectée par la crise sanitaire ou les entreprises en difficulté ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et deux mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 septembre 2020, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.

 

Il résulte de ce qui précède qu’à compter du 10 septembre 2020, le bailleur pourra à nouveau faire valoir ses droits. Par ailleurs, le bailleur pourra faire délivrer un commandement au débiteur visant la clause résolutoire du bail, si ce dernier n’a pas procédé au paiement des loyers pendant cette période.
 

 

Timothée Mussat

Étudiant en droit à l’Université Panthéon-Assas Paris II

Textes de références :

 

L. 23 mars 2020 n°2020-290 :

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041746313/2020-05-07/

 

Ordonnance 25 mars 2020 n°2020-306 - version en vigueur au 18 septembre 2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041755644/2020-09-18/

 

Ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-316 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041755842/

 

L. 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042101318/